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3 - La Dalila

  Les problèmes de la Compagnie de 1908 à 1911 résultaient de l’emploi d’un nombreux personnel de faible qualification et mal payé, nécessaire aux multiples opérations de manutention. Un moyen d’éviter leur renouvellement était d’accroître la mécanisation des chantiers. Dès 1912, M. Berthier - qui avait visité des chantiers en Hollande et y avait remarqué l’utilisation de matériels techniquement évolués - lance la construction d’une drague révolutionnaire, simplifiant les opérations de lavage pour séparation de la glaise et du sable et réalisant simultanément le criblage des matériaux. On l’appelle ‘‘La Dalila’’ .

Cliquez pour agrandir  Fabriquée par l’entreprise Piat et Fougerol (deux administrateurs de la C .S.S.), elle est mise en essai en mars 1915 mais connaît une longue série de problèmes techniques, résolus progressivement par les ‘‘Ateliers de Vigneux’’.

  Pendant un an, ‘‘La Dalila’’ constitue le principal sujet de préoccupation des administrateurs qui consacrent à l’examen de ses difficultés près de la moitié de la durée de leurs réunions mensuelles : le remplacement des courroies en cuir - qui patinent en atmosphère humide - par des courroies en poil de chameau ; les multiples ruptures de l’arbre d’entraînement ; le perçage des godets de dragage pour faciliter l’égouttage ; le déplacement du crible à la sortie du transporteur ; l’usure rapide des axes du transporteur, en raison de la mauvaise qualité des matériaux utilisés par la maison Piat et Fougerol, etc.

  Les modifications sont délicates à réaliser par suite du manque de matériaux lié à la guerre. Enfin, en février 1916, M. Berthier peut annoncer triomphalement au Conseil que ‘‘La Dalila’’ fonctionne parfaitement et « qu’en essai dans des terrains glaiseux, les sables fins sont extraits sans trace apparente de glaise, alors que le sable extrait avec les autres machines nécessite un lavage et une reprise ». Cette brave ‘‘Dalila’’ sera même transformée en 1918 pour extraire de la pierraille. Elle servira de prototype pour la construction d’une série de machines. Electrifiée, modernisée, ‘‘La Dalila’’ sera encore en service dans les années 1960 ( voir fonctionnement de la drague Circé mise en service en 1963 ).


IV – LES ANNÉES DIFFICILES 1920 - 1940

  Dans les années 1920, la C.S.S. poursuit son développement. Les fouilles Laveissière, exploitées conjointement avec Morillon-Corvol et la SETM, sont en pleine activité bien que « la présence de grosses roches tant en fond que dans l’épaisseur de la masse » provoque le naufrage de la drague ‘‘La Joyeuse’’ et rende nécessaire l’utilisation d’une excavateur afin de pouvoir procéder au dragage.

Cliquez pour agrandirLa compagnie achète de nouveaux terrains à la Fosse-aux-Carpes, avenue Libert et au Port-aux-Dames à Draveil et elle vend, pour lotissement, des terrains comblés à la Fosse-aux-Carpes. « Ces opérations heureuses sur des ventes de terrains » expliquent le résultat important de l’exercice 1921 : plus d’un million de francs. Les chantiers de Grigny et Viry, aux lieux-dits ‘‘La Justice’’, ‘‘la Plaine verte’’, ‘‘la Plaine basse’’, ‘‘l’Arbalète’’, sont également en très active exploitation.

  L’inflation des prix et des salaires , l’application de la loi de 1919 limitant la journée de travail à huit heures et provoquant « une augmentation des prix de vingt pour cent » incitent cependant le conseil d’administration à la plus grande prudence ; il regrette en 1922 que « les hauts salaires pratiqués depuis 1920 n’aient encore pu être réduits en raison du personnel spécialisé que nous employons ».

  La Compagnie développe de nouveaux chantiers dans la région de Saintry et Saint-Fargeau lorsque M. Berthier décède en juillet 1827, décès suivi en juin 1928 de celui du président Leneru. Une nouvelle équipe de direction se constitue alors, composée de Robert de Courcel, président, et d’Henri Noble, administrateur délégué. Présentons le nouveau président de la C.S.S. et sa famille.

1 – La famille Chodron de Courcel

Cliquez pour agrandir  Jules Chodron, né en 1804, secrétaire de légation, fils de Claude-François Chodron, notaire parisien, président de la chambre des notaires, épouse en 1834 Henriette Boulay de La Meurthe, fille de Joseph Boulay de La Meurthe, député au Conseil des Cinq-Cents sous le Directoire, conseiller d’Etat, comte d’Empire, ‘‘l’une des éminences grises du régime consulaire et impérial’’ (selon l’historien Jean Tulard).

  Les Chodron achètent en 1842 le château de Montcourcel à Athis-Mons sur la rive gauche de la Seine et, sur la rive opposée, plusieurs centaines d’hectares à Vigneux-sur-Seine, au lieu-dit Port-Courcel où ils font construire deux maisons dont l’une sera détruite lors de la guerre de 1870 (photo ci-contre). En 1852, une décision du Conseil d’Etat autorise Jules Chodron et ses fils à porter le nom de Chodron-Courcel, puis, par une seconde décision de 1866, le nom de Chodron de Courcel.


Jules Chodron de Courcel et son épouse ont trois fils :

. Alphonse, né en 1835, sera ambassadeur de France à Berlin et à Londres, sénateur de Seine-et-Oise, président du Conseil d’administration du chemin de fer d’Orléans, membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Son petit-fils, le diplomate Geoffroy de Courcel, accompagnera le général de Gaulle lors de son départ à Londres en juin 1940.

. Valentin, né en 1838, avocat, sera maire d’Athis-Mons.

. George, né en 1840, lieutenant de vaisseau, quittera la marine pour s’installer à Port-Courcel et y faire construire en 1878 un château entouré d’un parc. En 1880, il s’associe avec les frères Piketty dans l’exploitation des terrains appartenant à sa famille. George de Courcel décède en 1904, laissant trois fils : Bernard, né en 1873, Robert, né en 1875, et Antonin, né en 1878. Le cadet, Robert, devient propriétaire de Port-Courcel et prend la succession de son père dans l’entreprise sablière.

  Né à Paris le 13 mai 1875, Robert Chodron de Courcel est élève de l’École des Sciences politiques de Paris et se présente au concours des Affaires Étrangères en 1899. Il est nommé en 1903 à l’ambassade de France près du Saint-Siège mais doit quitte Rome l’année suivante par suite de la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican, conséquence de la loi de séparation de l’Église et de l’État. Il est ensuite affecté à la Légation de France à Bruxelles puis devient membre de différents cabinets ministériels durant la Grande Guerre. Après l’Armistice de 1918, il est nommé conseiller d’ambassade à Constantinople puis à Washington. Il quitte cependant la carrière diplomatique en 1922 pour se consacrer à des travaux personnels.

Clquez pour agrandir  Membre depuis sa création et pendant plus de cinquante ans du Conseil d’administration de la Compagnie des Sablières de la Seine, il en assume la présidence de 1928 à 1933, ainsi qu’en 1939-1940.

  Mais Robert de Courcel est surtout connu par ses ouvrages d’érudition. Il s’est consacré à des recherches sur l’histoire diplomatique et religieuse de Paris, ainsi que sur l’histoire et l’archéologie de la Brie et du Hurepoix. Ses publications sont encore de nos jours très appréciées par les spécialistes. Il a présidé la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Etampes et du Hurepoix, jusqu'à son décès survenu en novembre 1966 à l’âge de 91 ans .

  Dès septembre 1928, la Compagnie conclut un nouveau contrat avec R. de Courcel pour l’exploitation de terrains appartenant à sa famille à Vigneux, au lieu-dit Fosse Montalbot. Bien que l’exploitation soit interrompue en janvier et février 1929 par un froid extrêmement rigoureux, la situation financière est prospère et permet à partir de 1929 de porter le dividende à 125 francs par action.

  R. de Courcel - administrateur de la Compagnie depuis sa création mais qui avait jusqu’alors peu participé aux activités du Conseil en-dehors des assemblées générales - s’investit fortement dans le management de la Compagnie et, à l’occasion des vingt-cinq ans de celle-ci en juin 1931, fait devant le conseil d’administration un large exposé de son histoire et de ses perspectives. Il explique que sa politique est de réduire les frais d’exploitation en créant des chantiers sur des terrains de très grande superficie au plus près de la région parisienne, pour lutter contre les petites entreprises qui se sont créées depuis la guerre et cassent les prix. Il conclut de nouveaux contrats de fortage concernant des terrains appartenant à sa famille, au voisinage de la Fosse Montalbot : la fosse des Carabiniers, la Saussaie des Gobelins et le Chemin Vert.

  L’évacuation des matériaux se trouve ainsi facilitée sur ce vaste ensemble de 70 ha, qui va épuiser les capacités de production de la zone de Vigneux (photo ci-contre: Fosse Montalbot et ses environs en 1987). Sur les 210.000 m3 mensuels que demande la région parisienne, la C.S.S. en fournit 70.000 et Morillon-Corvol 35.000. Le président de Courcel se fixe pour objectif de regagner le pourcentage de 50% du marché qui était celui de la C.S.S. en 1914 et de porter le volume vendu par la C.S.S. à 100.000 m3 mensuels.

  Malheureusement, dès l’année suivante, la crise économique des années trente provoque une chute spectaculaire du chiffre d’affaires. Le bénéfice, qui avait atteint 7 millions en 1930, tombe à 4 millions en 1931 et s’écroule à 540.000 francs en 1932. R. de Courcel démissionne de la présidence en juin 1933 et est remplacé par M. Noble. Simultanément, Paul Piketty se retire définitivement du conseil d’administration où il est remplacé par son fils Pierre Piketty.

  Jusqu’en 1939, la Compagnie va connaître des années difficiles. La crise se poursuit et les besoins en matériaux de construction, qui avaient crû de manière continue de 1920 à 1930, stagnent. Le président déclare aux actionnaires : « Certains producteurs de sable en vue de maintenir le fonctionnement de leur exploitation, ont fait des concessions sur le prix de vente, déjà peu rémunérateur. Votre Compagnie a été obligée de les suivre pour conserver son rang sur le marché des matériaux ». De ce fait, les exercices 1935 et 1936 sont déficitaires. Les chantiers de la fouille Pinque à Draveil et de la fosse Montalbot à Vigneux sont fermés.

  Le président Henri Noble tombe gravement malade, puis démissionne en février 1934. Paul Piketty reprend provisoirement les rênes avant de les confier à René Piketty, troisième fils de son cousin Charles. En effet, Jean Piketty, fils aîné de Paul, est tombé au champ d’honneur en 1917 et son second fils Pierre est encore bien jeune pour diriger la société Cliquez pour agrandir. Tout en restant l’un des associés de Piketty frères (avec son frère Maurice et le fils de son frère André), René Piketty va présider aux destinées de la C.S.S. jusqu’en 1960, assisté jusqu’en 1951 par Léon Boisseau, directeur général. On peut considérer que la nomination de René Piketty, maire de Grigny et dirigeant de Piketty frères, à la présidence de la C.S.S. marque la réconciliation des deux branches de la famille.

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