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2 - Situation sociale

  Si l’année 1906 a été marquée par la création de la Compagnie des Sablières de la Seine, l’année 1907 a vu la naissance de la première section syndicale de terrassiers du bassin, qui a pris le nom de ‘‘Syndicat des terrassiers de Draveil-Vigneux’’, avant de devenir la 32ème section du ‘‘Syndicat des terrassiers et carriers de Seine-&-Oise’’, affilié à la Fédération du Bâtiment, elle-même membre de la Confédération Générale du Travail.

Isaac René Guy Le Chapelier  Pendant tout le XIXe siècle, en fait depuis la loi Le Chapelier (photo ci-contre) votée par la Convention en 1791 pour lutter contre les corporations, la constitution de syndicats ouvriers fut interdite en France. Les revendications ouvrières prirent donc la forme de luttes révolutionnaires qui marquèrent profondément la société française et dont elle porte toujours la trace. Les massacres de la Commune constituèrent l’un des points culminants de l’opposition entre classe bourgeoise et classe ouvrière, malgré les tentatives du catholicisme social en vue de faire évoluer la nature de la société française.

  Sous le Second Empire, le gouvernement fit adopter, en 1864, le droit de coalition, premier pas vers l’autorisation de la création de syndicats. Mais il faudra attendre 1885 pour que le droit syndical devienne légal, sans cependant être admis par le patronat. Les bourses du travail (pour notamment former des responsables), les fédérations professionnelles se multiplient et l’ensemble de ces actions se traduit par la création, en 1895, de la Confédération Générale du Travail (la C.G.T.), qui devient en dix ans un puissant syndicat unitaire.

Cliquez pour agrandir  A la même époque, sous l’action de Jean Jaurès, les partis politiques socialistes de diverses tendances se regroupent pour créer la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière). Le journal de Jaurès, L’Humanité, rencontre une large audience. Cependant, si les principaux dirigeants de la SFIO sont inspirés par la philosophie marxiste, les leaders de la CGT se réclament ouvertement du courant anarchiste, notamment ceux de la Fédération du Bâtiment.

  A partir de 1905, les gouvernements radicaux qui dirigent la France doivent faire face à une vaste crise, à la fois politique et sociale. Les mouvements de grève pour l’amélioration des conditions de vie se multiplient dans toutes les industries et jusque chez les fonctionnaires. La situation est jugée pré-révolutionnaire. Georges Clemenceau, déjà ministre de l’Intérieur, est nommé président du Conseil en 1907. Cumulant les deux fonctions, il se donne pour tâche de rétablir l’ordre en appliquant une sévère politique de répression sociale. Or, de la Commune en 1871 à la fusillade de Fourmies en 1891 et jusqu’alors, la répression s’est toujours exercée par l’utilisation de l’armée et dans le sang.

3 - La grève de mai 1908


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Retrouver l'histoire et les conséquences de cette grève en cliquant sur une des photos ci-dessus.

III – LA DÉCENNIE DE LA GRANDE GUERRE 1909 - 1919

Cliquez pour agrandir  Un nouveau conflit éclate en juin 1909, les ouvriers réclamant 60 cent. de l’heure. La Compagnie emploie alors en sous-traitance une drague mise en œuvre par un patron indépendant. L’installation sera attaquée par les grévistes, le personnel molesté et le capitaine de la drague grièvement blessé. Le conflit prendra fin rapidement.

  En janvier et février 1910, les inondations de la Seine occasionnent d’importants dégâts aux installations et interrompent longuement les activités (photo ci-contre). La direction s’efforce de maintenir les salaires de ses ouvriers permanents en chômage technique. Une nouvelle grève éclate cependant en mars 1911. La direction de la C.S.S. procède alors à un lock-out. Elle recrute quatre-vingts ouvriers parisiens - embauchés par une société nommée ‘‘La Liberté du Travail’’ - qui arrivent chaque matin par le train à la gare de Juvisy et se rendent sur les chantiers escortés par des gendarmes. Les ouvriers locaux qui désirent reprendre le travail doivent aller à Paris se faire embaucher à ‘‘La Liberté du Travail’’. Le calme revenu, la C.S.S. va pouvoir se consacrer au développement de ses activités, en particulier à Draveil.

1 - Les fouilles Laveissière

Cliquez pour agrandir  En effet, le domaine du château seigneurial de Draveil (aquarelle ci-contre), situé à un kilomètre du fleuve et dominant la rive, est mis en vente par ses derniers propriétaires, la famille Laveissière, chaudronniers-ferrailleurs d’origine auvergnate qui ont succédé à une longue suite d’occupants plus illustres.

  Le château et son parc, soit toute la partie située en altitude, sont cédés à une coopérative immobilière : elle y construira la première cité-jardins française, qui recevra le nom de Paris-Jardins . En revanche, la zone de 50 ha en bordure du fleuve est proposée aux entreprises sablières, pour un montant de 900 000 francs. Des sondages sont réalisés à grande profondeur pour évaluer les capacités de production du site. Environ la moitié des terrains présentent de l’intérêt pour exploitation, ce qui va conduire à la constitution d’un paysage lacustre.

  Il s’agit d’une affaire de la plus grande importance que les entreprises déjà présentes sur la commune ne doivent pas laisser échapper car elle conditionne leur développement futur, mais aucune d’entre elles ne possède les moyens financiers permettant de supporter seule un tel investissement. Les trois entreprises principales décident donc de s’associer pour acheter le terrain et ensuite l’exploiter, suivant la clé de répartition suivante:
. trois sixièmes pour la Compagnie des Sablières de la Seine.
. deux sixièmes pour Morillon-Corvol.
. un sixième pour la Société d’Extraction et de Transport de Matériaux (SETM).

  Après de rudes négociations, un accord est conclu en juillet 1910 pour un montant de 800 000 francs et l’acte de vente est signé les 10 juin et 3 août 1912. Ainsi naissent les fouilles Laveissière qui seront exploitées par les trois compagnies entre les deux guerres et jusque vers 1950. Le terrain avait été payé un prix élevé mais la C.S.S. estimait « qu’en raison de la situation des terrains leur revente ultérieure en vue de lotissement ne faisait aucun doute ». C’était compter sans la volonté des communes de préserver des espaces protégés. Les fouilles ne seront ni remblayées, ni loties . . . et deviendront dans les années 1970 la base de plein air et de loisirs du Port-aux-Cerises.

Cliquez pour agrandir  En 1913 et 1914, la C.S.S. fait encore l’acquisition de plusieurs terrains à Draveil près de sa sablière en voie d’épuisement, qui deviendra un lieu fréquenté par les pêcheurs et recevra le nom de La Fosse aux Carpes : 6500 m2 à M. Pécoul, propriétaire du château de Villiers ; 8525 m2 rue de Châtillon et rue Dida ; 6485 m2 à M. de Courcel.

  Sur ces terrains, seront construits plus tard des ateliers qui compléteront ceux de Vigneux et qui prendront le nom ‘‘d’Ateliers de Draveil’’ (photo ci-contre). Ces acquisitions soulevaient l’inquiétude des propriétaires du lotissement voisin de la Villa Draveil, créé vers 1870-1880, qui avaient été rudement touchés par les inondations de janvier 1910 et qui craignaient l’extension des sablières dans leur environnement immédiat.

 

2 - La Grande Guerre

  A la veille de la guerre de 1914, la Compagnie des Sablières de la Seine est en pleine expansion, sous la direction conjointe du président Paul Piketty et de l’administrateur délégué M. Berthier. Le bénéfice annuel a triplé, passant à 900.000 francs. La Compagnie réalise des investissements importants dans le but de moderniser son matériel et de constituer des réserves foncières, garantissant son activité future.

  Le président Paul Piketty est mobilisé et passera toute la durée de la guerre au front. L’intérim de la présidence est assuré par M. Leneru mais, en fait, c’est M. Berthier qui assure très directement le fonctionnement de la compagnie. Il doit faire face à la diminution des activités de construction et à la réquisition des bateaux de transport de la Compagnie. Le bénéfice chute fortement mais la compagnie ne se trouvera jamais en situation de déficit. La compagnie recherche des activités de complément : ainsi, elle signe avec l’administration des Armées un contrat d’enlèvement de 10.000 m3 de fumier en provenance des parcs de cavalerie du camp retranché de Paris et elle fera de l’épandage dans la région de Grigny.

Cliquez pour agrandir  En 1919, au retour du président Paul Piketty, la situation est tendue car M. Berthier n’entend pas lâcher les rênes et se trouve en conflit ouvert avec les héritiers de Mme Charles Piketty. En effet, madame Piketty louait, suivant l’accord de 1906, des terrains situés à Vigneux à la C.S.S. mais M. Berthier avait refusé de renouveler les baux.

  Au décès de madame Piketty, ses héritiers attaquent en justice la C.S.S. pour rupture de contrat. Paul Piketty fait retomber toute la responsabilité de l’affaire sur Berthier « dont, de tout temps, la ligne de conduite a été de diviser pour régner dans les sociétés qui l’ont employé quelque fût leur dénomination », écrit-il, mais il se trouve dans une position inconfortable entre les intérêts de la C.S.S. qu’il soutient et ceux de ses petits-neveux. Il démissionne de sa fonction de président en décembre 1919 et est remplacé par Louis Leneru.

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